En mathématiques, nous travaillons sur les signes « inférieur à », « supérieur à » en ce moment. Autrement dit sur les signes « < » et « > » : « plus petit que », « plus grand que ». J’ai eu beaucoup de mal avec ça à l’école quand j’étais petite et ça m’a poursuivi durant de nombreuses années. Je n’ai jamais réussi à retenir comment on devait écrire ce signe, du moins dans quel sens on le mettait. Enfin, plus maintenant… Et il m’a fallu presque 38 années à réfléchir là-dessus. Qui l’eut cru ?
Il y a des enseignants qui ne se rendent pas compte qu’ils peuvent torturer un cerveau pendant de si longues années. Tout a commencé en CP quand on a abordé ce thème. Après moult démonstrations, l’enseignante a trouvé bon de nous donner une façon de retenir dans quel sens il fallait mettre ce signe. Elle nous a dit, pour notre bien, que : « le plus petit mange le plus grand ». La belle affaire ! Dans le cerveau d’un enfant, qu’est-ce que ça donne ? Dans mon cerveau du moins, car je suppose que d’autres ont pu faire carrière en mathématiques, ça a donné lieu a une longue rêverie. J’imaginais un petit canard poursuivant un gros canard pour le manger. Mais un canard n’a pas de dents et encore moins un petit canard. Alors, je me disais que l’enseignante a menti, c’est le gros canard qui va poursuivre le petit et le manger. Ce n’est pas logique sinon. Mais non, ce n’est pas possible puisque les canards, ce n’est pas carnivore. Ils mangent des graines. Alors, je me disais : « mais si ça se trouve, ce n’est pas un canard mais un monstre avec une grosse mâchoire, mais si sa mâchoire est grosse alors c’est lui le plus grand… ». Quand je me réveillais de ma longue réflexion là-dessus, j’avais tout faux forcément et mes copies étaient rayées de rouge. Heureusement, ça ne m’a pas empêché de poursuivre de longues études par la suite. Je vous rassure. On s’en remet donc et ce n’est pas contagieux.
Deux réglettes cuisenaire et un bout de laine auraient permis de venir à bout de cette torture cérébrale. Manipuler du matériel, ça ne se faisait pas trop à cette époque et on passait directement à l’abstraction. C’est bien dommage, mais on ne peut pas revenir en arrière.
Je n’ai pas voulu reproduire ça avec J. Stop aux dégâts et à la torture ! Place au concret et à la manipulation. D’abord, des petits cubes empilés ont permis de voir concrètement qu’elle était la pile la plus haute et qu’elle était la pile la plus basse. La pile de 5 cubes est plus grande que la pile de 3 cubes. Une évidence apparait déjà sous nos yeux. Puis, j’ai placé deux crayons de couleur sur la table, un petit et un grand et je lui ai demandé de me montrer le plus petit, puis de me montrer le plus grand, ensuite à l’aide de 2 autres crayons identiques, je lui ai montré que si on place les deux crayons à l’extrémité du plus grand si on les assemble vers le plus petit, on arrive à reproduite le signe « > » ou « < » selon l’endroit où est placé le plus grand.
Voilà l’erreur de mon enseignante, il y a fort longtemps. Elle est partie du plus petit, alors qu’il aurait fallu partir du plus grand. Si j’ai 3 —7, je cherche directement le plus grand qui est 7, je place mes deux crayons de chaque côté, et pour former la pointe, je n’ai plus qu’à rassembler les deux crayons vers le plus petit. Et on obtient bien 3 < 7.
Je n’ai pas eu besoin de donner plus d’explications. A chaque fois que je lui ai présenté 2 nombres, elle a su placer le signe correctement. C’est une victoire pour moi qui ait combattu les canards pendant de si nombreuses années. Mon cerveau va pouvoir se reposer désormais.
Non, le plus petit ne mange pas le plus grand, c’est le plus grand qui est plus fort, je le savais depuis longtemps et j’avais raison. Il est plus fort que le plus petit et il le poursuit avec un coupe-branche. En criant : « Vengeance ! Pour m’avoir harcelé pendant 38 ans ! ». Mais ça, j’attendrai que J. soit au bac pour lui dire, histoire de ne pas trop l’embrouiller.