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Vivre un deuil avec les enfants

Le 6 avril 2016, vers 9 h du matin, je reçois un appel de ma sœur m’annonçant que mon papa est décédé dans la nuit. Heureusement, les enfants ne sont pas encore réveillés et j’ai le temps d’accuser le choc. Ils ne me verront pas pleurer, j’ai deux bonnes heures pour me remettre de cette annonce. Il le faut. Mais, il me faut penser déjà et surtout à la manière dont je vais leur annoncer ce décès. Je ne dois pas faire l’impasse. C’est leur grand-père et les enfants ont le droit de savoir. J’ai conscience qu’ils pourraient m’en vouloir de leur cacher la vérité, plus tard, lorsqu’ils seront plus grands. Alors comment faire ? Comment traverser ce deuil avec les enfants et faire de cette expérience douloureuse une occasion de parler de ce qui nous interroge tous et qui nous touche tous, à savoir la mort ?

Un matin comme les autres, mais pas ordinaire…

Les enfants se lèvent tout joyeux tous les trois vers 11 h. Je ne veux pas gâcher leurs jeux et leurs rires. J. me demande si elle peut mettre les chansons de Walt Disney sur YouTube. Je lui refuse. Elle ne comprend pas et surprise, elle me dit : « mais, pourquoi ? ». Je lui rétorque qu’elle ne peut pas, pas maintenant et que je lui expliquerai plus tard…
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Je les laisse prendre leur petit déjeuner. Je ne sais pas quelle sera leur réaction, alors autant les laisser manger en paix. Puis, je prends une voix grave et solennelle en leur disant que j’ai quelque chose d’important à leur dire et que j’ai besoin de leur attention. Leur regard se tourne vers moi avec étonnement. Je me lance en leur disant : « pépé était très malade, comme vous le savez depuis qu’on est allé le voir à l’hôpital… Et son corps a cessé de fonctionner… et il est décédé cette nuit ».  M. me regarde avec ses petits yeux ronds et me dit : « ça veut dire quoi « décédé »? ». Je réponds que cela signifie qu’il est mort. Alors, elle insiste : « Rho, mais qu’est-ce que ça veut dire être mort maman ? ».  Difficile de répondre à cette question tellement simple, mais tellement complexe et profonde à la fois.
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Comment répondre sans heurter, sans choquer un enfant sur la mort ?

Voilà, j’y suis confrontée et je dois répondre…
« La mort, ma chérie, est un passage obligé quand le corps ne fonctionne plus. Il arrive un moment où notre corps est tellement abimé, fatigué qu’il finit par tomber en panne et il finit par ne plus fonctionner. Un peu comme un appareil électrique qui finit par ne plus fonctionner ou qui ne veut plus s’allumer. Le corps de pépé ne fonctionnait plus et il a fini par s’éteindre ».
J. me dit : « Est-ce que ça veut dire qu’on ne pourra plus aller à Calais ? ».  Je suis bien forcée de lui répondre que oui, ça veut dire aussi que ce sera plus compliqué d’y aller, mais que ce ne sera pas impossible. Qu’on verra…
M. se met à pleurer : « Oh non, moi j’aimais bien aller à Calais et aller voir pépé ».
« Nous irons lui rendre une dernière visite si vous le voulez bien. Nous ne pourrons sans doute plus retourner dans la maison de pépé et mémé, mais il vous reste tous les souvenirs que l’on a passé là-bas et c’est le plus important… ».
Pour les enfants, le reste de la journée se passera presque normalement. Les réponses que je leur ai fournies les ont-ils satisfaits ? Pas vraiment, car sous les apparences, c’est que ça cogite dans la tête de ces petites personnes.  Le soir, lorsque la nuit tombe et que le calme s’installe dans la maison, les questions fuseront de nouveau.

Vas-tu mourir maman ?

Et la question à laquelle je m’attendais est tombée : « Est-ce que tu vas mourir un jour, toi aussi maman ? ».
Quelques semaines auparavant, j’avais visionné plusieurs vidéos sur les EMI (expériences de morts imminentes).  J’avais également eu connaissance d’une thèse de François Lallier concernant ces expériences de morts imminentes, une thèse de 2014 qui a obtenu l’une des plus hautes distinctions que l’on peut espérer pour une thèse de médecine. Simple coïncidence ou synchronicité ? Toujours est-il que tout cela m’a aidé à expliquer en des termes simples ma vision de la mort. J’ai repris l’idée que le corps était une machine qui pouvait s’enrailler, tomber malade ou pire tomber en panne et mourir. Mais qu’il restait notre conscience qui ne meure jamais, car la science reconnaît, depuis peu, que nous avons une conscience extraneuronale qui survit au-delà de la mort du corps physique. Donc, oui, mon corps physique va mourir un jour, mais ma conscience ne peut pas mourir, car elle est faite d’énergie et l’énergie ne meurt pas, comme le disait Einstein (« Je crois en une vie après la mort, tout simplement parce que l’énergie ne peut pas mourir; elle circule, se transforme et ne s’arrête jamais. »).  Je passerai juste dans une autre dimension, je deviendrai juste invisible dans un au-delà qu’on ne connaît pas ou qu’on a connu avant de s’incarner dans ce monde, et dans lequel on retournera selon certaines croyances. Le corps physique reste dans une nouvelle maison que l’on appelle tombe. Mais la conscience retourne d’où elle vient dans l’Univers.
Je ne voulais pas leur répondre selon une croyance religieuse, mais bien sûr, j’ai évoqué les mots « âme, esprit, paradis, Dieu ». Ils font partie du vocabulaire de la mort, mais j’ai aussi parlé en termes scientifiques, car nous vivons dans un monde cartésien qui ne laisse pas la place au paranormal ou au divin. On a pu imaginer un paradis, un ailleurs merveilleux où la souffrance n’existe plus. Mais aussi l’importance de cette vie sur terre qui nous est donnée, un cadeau précieux qu’il ne nous faut pas négliger et une expérience que nous avons à vivre ensemble tant que cela nous est permis. Ils ont compris l’importance de profiter de chaque moment ensemble, car oui, un jour tout peu s’arrêter, mais que ce n’est pas encore pour maintenant, que nous avons encore de grandes choses à vivre et de grands évènements à affronter.

Nous avons traversé cette épreuve, comme quelque chose faisant partie de la vie. Les enfants n’appréhendent pas la mort comme nous les adultes. Ils se questionnent et c’est bien naturel une fois qu’ils y sont confrontés, mais si on sait leur expliquer en des termes simples sans les effrayer, alors la mort s’intègre naturellement dans la vie. Et ils savent que leur grand-père reste vivant à travers les souvenirs et tout ce qui nous a été permis de vivre ensemble et que tant qu’il reste dans notre cœur alors il est toujours là, présent, avec nous.

3 réflexions sur “ Vivre un deuil avec les enfants ”

  1. Je passais sur ton blog et je suis désolée de tomber sur cette triste nouvelle! Bon courage à vous…💙

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